Togo/ Inondations : Et si le Togo allait à l’école de Singapour ?
Par la rédaction
Les inondations sont devenues un lointain souvenir pour Singapour. Ce pays asiatique a déroulé une véritable politique pour finir par venir à bout de cette catastrophe naturelle. Le Togo en pleine saison pluvieuse où l’on craint des inondations sans précédent, peut apprendre de l’exemple de Singapour.
Des inondations catastrophiques à Singapour dans le passé
Soumis au climat équatorial, Singapour reçoit de 100 à 300 mm d’eau chaque mois, avec des pics durant la mousson du Nord-Est entre décembre et mars. Il peut alors y avoir des pluies diluviennes, comme cela est arrivé le 28 février dernier avec plus de 200 mm de pluie enregistrés en une journée à Kallang. L’absence de relief (30% du pays est à une altitude inférieure à 5 mètres) et la proximité de la mer ne fait qu’aggraver le risque d’inondation.
Une des plus catastrophiques a eu lieu en décembre 1954. 10.000 personnes ont alors été affectées et 5.000 ont dû être déplacées, temporairement ou définitivement. Les activités agricoles, alors encore importantes pour l’économie du pays et la subsistance de la population, ont été largement endommagées. Les zones les plus touchées étaient aussi les plus pauvres, situées au nord et à l’est de la ville. Les associations communautaires ont dû se joindre aux organisations gouvernementales pour assurer les secours. La Birmanie et la Thaïlande ont fait des dons de riz. Singapour était alors encore sous domination britannique, et la pauvre réaction des autorités face au désastre a été l’un des nombreux éléments alimentant la volonté d’indépendance.
Les premières améliorations du système de drainage
Dès 1951, un comité fut formé pour améliorer le système de drainage et réduire les inondations. Cela a d’abord consisté à élargir et creuser davantage le système existant d’évacuation, à rehausser des routes, à creuser des canaux d’évacuation au voisinage des réservoirs et des rivières, et à mettre en place de clapets à marée à l’embouchure de rivières.
Mais, le développement de l’habitat et des zones industrielles a intensifié les inondations, car la surface de sols pouvant absorber l’eau de pluie diminuait et donc le système de drainage recevait de plus en plus d’eau. En décembre 1969, le jour de la fin du ramadan, des inondations dramatiques ont conduit à une dizaine de décès : dans certains endroits, l’eau arrivait à la taille et les réseaux électriques et téléphoniques furent coupés. En novembre et décembre 1978, des pluies torrentielles ont conduit à l’évacuation d’un millier de personnes : 7 décès furent enregistrés et les champs et les élevages furent sérieusement affectés.
Le paradoxe était que parallèlement Singapour manquait d’eau pour sa consommation, malgré les réservoirs construits au fil des années et la fourniture d’eau par la Malaisie : par exemple, entre avril 1963 et février 1964, l’eau a été rationnée. Par ailleurs, le niveau de pollution des rivières, à commencer par la Singapore river, nuisait fortement à l’hygiène et à l’attractivité de la cite-Etat.
Des schémas directeurs ambitieux
C’est notamment pour apporter une réponse commune aux inondations, aux pénuries d’eau, et à la pollution des eaux, qu’un ministère de l’environnement fut créé en 1972. Quelques années plus tard un schéma directeur du drainage fut établi et conduisit à la construction de nouveaux canaux et fossés d’évacuation. Cela permit de réduire de 95% la superficie des zones inondables, et ce malgré l’urbanisation croissante.
L’intégration du cycle de l’eau
En 2001, les responsabilités sur le drainage et l’évacuation des eaux usées ont été transférées au PUB (Public Utilities Board) déjà en charge de l’approvisionnement du pays en eau, gaz, et électricité. L’intégration de toutes les composantes du cycle de l’eau sous une même autorité ouvrit la voie à de nouvelles solutions pour traiter simultanément les problèmes liés aux inondations, à l’approvisionnement en eau, et à la pollution des eaux. Un exemple est la création de Marina Barrage à l’embouchure de la Singapore river et de la Kallang river, qui permet à la fois de constituer une réserve d’eau douce importante et d’éviter les inondations liées aux fortes marées en centre-ville. D’une manière générale, l’idée est de récupérer le maximum d’eau de pluie dans les 17 réservoirs à travers 8.000 kilomètres de tuyaux, de canaux, de rivières, pour l’approvisionnement en eau du pays. Grâce à cela, les zones inondables ne couvrent plus que 28ha (soit 0.04 % de la surface du pays), l’eau de pluie est recueillie sur les 2/3 de l’île et permet de fournir 20 % de l’eau du pays.
Les travaux de drainage ont été conçus pour rendre le paysage plus attrayant. Les parties à ciel ouvert sont maintenant des cours ou étendues d’eau propres, bordées de végétation, propices à la promenade ou à des activités nautiques. Parfois, les canaux couverts servent de passages piétonniers. Un exemple typique de l’insertion du système de drainage dans le paysage se situe à Bedok, dans le lotissement « Opera », où les rues portent des noms d’opéras ou de ballets (Swan Lake, Fidelio,…) et qui, situé assez bas, était souvent touché par des inondations : le fossé d’évacuation vers la mer a été recouvert, constituant maintenant un « park connector » reliant le quartier à East coast park, et un bassin de rétention a été creusé sous le terrain de sport de l’école du quartier, pour absorber l’excédent d’eau en cas de pluies violentes, avec une pompe située dans un coin de ce terrain pour vider le bassin dans le fossé d’évacuation après la pluie.
Aujourd’hui les pluies violentes peuvent toujours donner lieu à des inondations, mais très limitées dans l’espace et dans le temps (« flash floods »). Les routes sont en général les plus touchées, conduisant, de plus en plus rarement, à une interruption de quelques heures du trafic. Mais les vies humaines et l’activité économique ne sont plus en jeu.
Les trois volets actuels de la prévention des inondations
Pour continuer à réduire les risques d’inondations malgré la poursuite de l’urbanisation, trois types de mesures de prévention ont été prises. Tout d’abord, tous les développements ou redéveloppements de plus de 0.2ha doivent mettre en œuvre des solutions pour ralentir l’évacuation de l’eau dans le système de drainage, comme par exemple des réservoirs de rétention, des jardins de pluie, ou des rigoles de bio rétention. Ensuite, la taille des composantes du système de drainage a été augmentée de 15% jusqu’à 50% pour faire face à des pluies plus intenses. Enfin, des protections supplémentaires, comme surélever les entrées (comme on peut le constater à l’entrée des stations de métro) ou placer des barrières de protection, ont été mises en place au niveau des bâtiments et des infrastructures clés. Mais pour rester efficaces, toutes ces infrastructures doivent être maintenues : en particulier, tout le système de drainage doit être nettoyé régulièrement pour éviter des obstructions qui nuiraient à son efficacité.
Par ailleurs, sur information du service météorologique, le PUB prévient la population des risques d’inondations, en identifiant les lieux où les risques sont les plus grands. Elle tient alors des équipes en alerte pour intervenir lorsque le risque se confirme. A posteriori, la nature et les causes de l‘inondation sont analysées et les mesures destinées à réparer les éventuels dégâts et à prévenir une nouvelle inondation au même endroit sont prises dans les deux semaines.
Toutes ces mesures contribuent aussi à la lutte contre certaines conséquences du réchauffement climatique, comme la montée des eaux de la mer et des conditions météorologiques extrêmes.
Et si le Togo allait à cette école? Les premiers décideurs apprécieront. Mais pour l’heure, les togolais s’en remettent à Dieu!
Source : Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’inondations à Singapour ? (lepetitjournal.com)