Par Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
Le Togo, à l’instar de nombreux pays africains, se heurte à une problématique complexe : celle des droits fonciers. La gestion et la sécurisation des terres, essentielles pour le développement économique et social, sont entravées par des systèmes juridiques contradictoires, des lacunes institutionnelles, et une méconnaissance des lois par une grande partie de la population.
Un cadre légal en mutation
Le droit foncier au Togo est principalement régi par le Code foncier et domanial adopté en 2018. Ce texte ambitieux vise à moderniser la gestion foncière en instaurant des procédures plus transparentes et en sécurisant les titres de propriété. Toutefois, cette réforme n’a pas encore pleinement atteint ses objectifs.
En pratique, les droits coutumiers continuent de prévaloir dans une grande partie du pays, notamment dans les zones rurales. Ces droits, fondés sur les traditions et les pratiques locales, sont souvent en conflit avec les dispositions modernes du code foncier. Par exemple, les chefs traditionnels jouent encore un rôle prépondérant dans l’attribution des terres, créant parfois des tensions avec l’État et entre les différentes communautés.
Des obstacles à la sécurisation des droits fonciers
Malgré les efforts de réforme, la majorité des propriétaires fonciers au Togo ne possèdent pas de titres officiels prouvant leur droit sur leurs terres. Cela est dû à des procédures administratives longues et coûteuses, ainsi qu’à un système cadastral obsolète.
Ce manque de sécurisation expose les propriétaires à des conflits fonciers, notamment dans les zones où les terres sont disputées pour des projets d’investissement ou d’aménagement urbain. Dans certaines localités, il n’est pas rare que plusieurs personnes revendiquent la même parcelle, faute de documents clairs et opposables.
L’impact de la pression foncière et urbaine
Avec la croissance démographique et l’urbanisation rapide, les enjeux liés aux droits fonciers s’intensifient. Les terres agricoles sont de plus en plus convoitées pour des projets industriels ou immobiliers, au détriment des communautés locales qui en dépendent pour leur subsistance.
Dans les grandes villes comme Lomé, la spéculation foncière exacerbe les inégalités. Les promoteurs immobiliers acquièrent parfois des terrains dans des conditions opaques, déplaçant des familles qui ne bénéficient que rarement d’une compensation juste.
Les femmes : une marginalisation persistante
Un autre aspect critique des droits fonciers au Togo concerne les femmes. Bien que la loi reconnaisse leur droit à la propriété, les pratiques coutumières les excluent souvent de l’héritage et de la gestion des terres. Cette discrimination limite leur capacité à contribuer pleinement à l’économie et à assurer la sécurité alimentaire de leurs familles.
Des initiatives pour renforcer les droits fonciers
Face à ces défis, plusieurs initiatives émergent pour améliorer la situation. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour informer les citoyens de leurs droits et des procédures légales à suivre.
L’utilisation des technologies modernes, comme la numérisation des registres fonciers et la cartographie par satellite, est également envisagée pour moderniser la gestion des terres et réduire les litiges. De plus, des plateformes de dialogue entre les autorités traditionnelles et l’État sont créées pour harmoniser les pratiques et renforcer la confiance des populations.
Vers un avenir prometteur ?
Les droits fonciers sont au cœur du développement économique et de la stabilité sociale du Togo. Leur sécurisation nécessite un engagement fort des autorités, accompagné d’un dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes. En investissant dans des réformes audacieuses et en s’attaquant aux inégalités, le Togo pourrait transformer son foncier en un levier de croissance durable.
Cet enjeu appelle à une action collective : une réforme efficace des droits fonciers ne peut se faire sans la participation active des citoyens, des chefs traditionnels, et des institutions publiques.